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jeudi 1 décembre 2011

Évolution du climat

CLIMAT. "Inutile de faire de la surenchère à Durban"

Publié le 29-11-11 par Le Nouvel Observateur

Le changement climatique est en marche. Comment y faire face ? Interview de Valérie Masson-Delmotte, co-auteur de rapports du Groupe d'experts international sur l'évolution du climat.

Valérie Masson-Delmotte est directrice de recherches au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (CEA, CNRS, Université de Versailles St Quentin). Elle est co-auteur de rapports du Groupe d'experts international sur l'évolution du climat et de l'ouvrage "Atmosphère, Atmosphère" (Le Pommier, Paris, 2009).

On apprend au Sommet de Durban que les treize années les plus chaudes que la terre a connues sont concentrées sur les quinze dernières années. Preuve que le réchauffement climatique est furieusement en marche…

- Le changement climatique est une réalité. Les mesures de l’évolution de la température, à la surface de notre planète, le montrent sans ambiguïté, et la dernière décennie est la plus chaude enregistrée depuis 150 ans.

Quels sont les scénarios d’évolution du climat ?

- Pas de révolution de ce côté : les nouvelles simulations confirment ce que nous avons déjà dit. Si l’on parvenait à limiter globalement les rejets en gaz à effet de serre et ainsi à limiter les concentrations en dioxyde de carbone (CO²) à deux fois leur niveau naturel, la planète se réchaufferait de l’ordre de 2° d'ici 2100. Si les émissions de gaz à effet de serre continuent d'augmenter année après année, on ne peut pas exclure un changement de 3, 4°C ou plus.

Certaines études prévoient jusqu'à 6°C de réchauffement à la fin du siècle. Mais il est inutile de faire de la surenchère pour prendre conscience des enjeux du changement climatique et de la difficulté de l’adaptation à ce climat qui va changer.

Un réchauffement global de l’ordre de 2° à 4°C aura déjà des conséquences majeures. La température planétaire a augmenté de 0,6°C ces cinquante dernières années, avec un réchauffement particulièrement prononcé dans l'Arctique où l’évolution du climat laisse déjà son empreinte sur les paysages, alors qu'il reste peu visible dans les zones tempérées - à l'exception des massifs montagneux.

Quelles seront les conséquences de ce réchauffement en France ?

- Hausse du niveau des mers et érosion des côtes, vagues de chaleur et sécheresses plus fréquentes, problèmes de ressources en eau dans les régions du sud mais aussi en Ile-de-France, apparition de maladies à vecteur comme la dengue, multiplication des insectes ravageurs comme la chenille processionnaire du pin, enneigement plus restreint dans les stations de ski…

Pour le moment, on ne voit que le début de l'action de l'homme sur le climat, qui va continuer à réagir aux rejets de gaz à effet de serre. Cette expérience grandeur nature sur le climat terrestre n’est pas maîtrisée.

Mais accompagner ce changement climatique suppose de relever deux défis : limiter l'ampleur du changement d'une part, développer les politiques d'adaptation d'autre part. La France, qui a lancé en juillet dernier un Plan d'adaptation au changement climatique, est pionnière en la matière.

Que peut-on attendre de la conférence sur le climat de Durban ?

- Personnellement, je n'attends pas grand-chose des négociations actuelles, pour des raisons de politique à court terme, et la priorité donnée à la crise économique. Beaucoup d’acteurs de ces négociations n’ont pas conscience de la vulnérabilité de nos sociétés face au changement climatique.

A la limite, je préfère une absence d’engagements plutôt qu’un non respect des engagements antérieurs, comme cela a été le cas pour le Canada ou le Japon par rapport au Protocole de Kyoto.

Ces négociations internationales jouent cependant un rôle important, pour fixer un cap. Il faut souligner le décalage entre l’objectif choisi par les politiques, à savoir de limiter le réchauffement à 2°C par rapport à la période pré-industrielle (il n’y a plus que 1,2°C de marge de manœuvre), et les faibles engagements internationaux, largement insuffisants pour atteindre cet objectif.

Existe-t-il une autre solution ?

- A côté de l’enlisement des négociations internationales, je crois davantage dans l'approche "bottom up". Nous sommes dans une phase d'ébullition, où une multitude d’initiatives se mettent en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ou s'adapter au changement. Il faut les soutenir, et identifier des convergences. Les pays qui ne disposent pas de ressources fossiles sur leurs territoires n'ont pas d'autre choix que de s'engager dans cette transition énergétique.

Interview de Valérie Masson-Delmotte par Morgane Bertrand.

(le mardi 29 novembre 2011)