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vendredi 2 décembre 2011

Durban décembre 2011

Climat - La Chine serait ouverte à un plafond de ses émissions

Le Devoir

À Durban, l'Europe est plus exigeante à l'égard des économies émergentes

Louis-Gilles Francoeur 2 décembre 2011

Photo : La Presse canadienne (photo) Schalk van Zuydam/AP

Une manifestation s'est tenue hier à Durban, en Afrique du Sud.

Un officiel chinois a avancé l'idée ouvertement hier à Durban, en Afrique du Sud, que la Chine pourrait accepter d'ici quelques années de plafonner en chiffres absolus ses émissions de gaz à effet de serre (GES), ce qui prépare la voie à un traité sur les changements climatiques qui tenterait d'enrayer en moins d'une décennie la hausse de la température moyenne de la Terre.

Ce changement est dû en grande partie à l'attitude de l'Europe, qui a abandonné à Durban l'image de colombe qu'elle avait adoptée à la conférence de Copenhague en 2009 au profit d'une stratégie visant à forcer le jeu auprès des pays en développement.

L'Europe avait historiquement accepté l'idée que les pays en développement pourraient se contenter de mesures de réductions légères et volontaires. Elle exige désormais davantage en échange de son engagement dans de nouvelles réductions contraignantes. Sa position implique que les pays en développement, et en particulier les pays émergents du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), se lient eux aussi dans un traité contraignant avec des réductions précises. Sinon, menace l'Europe, pas question de faire porter au Vieux Continent un fardeau de réduction qui n'aurait qu'un effet marginal sur la hausse du climat planétaire.

La Chine, qui proteste contre ce resserrement du jeu de la part de son allié historique, n'en a pas moins amorcé d'intenses négociations avec lui et les autres pays du G77, qui regroupe les pays en développement.

C'est un des principaux responsables de l'Institut de recherche sur l'énergie, Xu Huaqing, qui a ouvert le jeu officiellement en évoquant dans le Beijing Times la possibilité que la Chine plafonne légalement ses émissions après 2020. Une première en 20 ans de pourparlers sur le climat.

Jusqu'ici, la Chine s'était engagée à Copenhague à réduire l'intensité de ses émissions de 40 à 45 % d'ici 2020 par rapport au niveau historique de 2005. Cet engagement lui permettait de réduire la quantité de GES par unité de production économique. Et cela l'autorisait à augmenter ses émissions en chiffres absolus en raison de l'augmentation fulgurante de son PIB.

L'ouverture formulée par Xu Huaqing a été confirmée indirectement par le principal négociateur chinois, Su Wei. Dans une déclaration au China Daily, ce dernier a déclaré que «Puisque l'Union européenne est le principal groupe de pays qui serait prêt à considérer une seconde phase d'engagements en vertu de Kyoto, les pays en développement sont aussi ouverts et prêts à discuter avec elle pour savoir comment régler cette question.»

La présidence polonaise de la délégation européenne aux pourparlers de Durban n'est pas étrangère à la fermeté nouvelle de ce continent. La Pologne, qui s'est même attiré un Fossile du jour cette semaine pour son usage intensif du charbon, fait partie du noyau dur de l'Union européenne en matière de climat.

«Il est très important que les autres grandes économies joignent l'effort collectif. Il serait inconséquent que l'Europe prenne seule des engagements dans une seconde phase du protocole de Kyoto», a déclaré Joanna Makoviak-Pandera, secrétaire d'État de la Pologne à l'Environnement.

Pour Steven Guilbeault, du groupe Équiterre, les pourparlers «intenses» qui se déroulent entre l'Europe, le G77 et la Chine laissent entrevoir une sorte de «scénario Durban» sur lequel planchent les diplomates.

Ainsi, le protocole de Kyoto serait prolongé d'une ou deux années, le temps de mettre au point un nouveau traité contraignant qui inclurait tout le monde dans un effort de réductions afin d'arriver à stabiliser le climat quelque part entre 2017 et 2020 pour pouvoir éviter un emballement à la hausse du climat de la planète. L'Europe aurait avisé les membres du G77 qu'elle pourrait hausser son propre objectif de réductions d'ici 2020 pour le faire passer de 20 % à 30 % si le reste de la planète s'engage dans une telle démarche, explique de son côté Patrick Bonin, le représentant à Durban de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA).

La Chine ne serait pas fermée à un tel scénario qui isolerait les États-Unis, incapables de faire passer au Congrès un traité contraignant ainsi que les projets de loi destinés à l'appliquer. Les États-Unis pourraient ainsi se retrouver avec le Canada, généralement en remorque de son voisin, en marge de la communauté internationale et, partant, susceptible de voir l'ensemble leurs exportations frappées éventuellement d'une taxe carbone à peu près partout.

Pour l'instant, précise Steven Guilbeault, les États-Unis semblent «figés» et incapables d'envisager une augmentation de leur effort de réductions même s'ils sont le deuxième émetteur de GES de la planète.

La Russie et le Japon, qui ont menacé ouvertement comme le Canada de ne pas s'engager dans une deuxième phase de Kyoto, cherchent présentement des accommodements.

Selon Patrick Bonin, le Japon se dit prêt à respecter son engagement de réduire de 25 % ses émissions d'ici 2020. Quant à la Russie, elle voudrait reporter dans la période de réductions 2012-2020 les émissions évitées durant la première phase de Kyoto en raison des nombreuses fermetures d'usine qui ont frappé son économie. Cette proposition, qui exigerait très peu d'efforts de sa part, est fortement combattue par des pays émergents comme l'Afrique du Sud. Mais ces deux pays envoient en réalité le message qu'ils sont prêts à se rallier moyennant certains accommodements, ce que ne fait pas le Canada, tout aussi figé dans ses positions que les États-Unis.